COMPTE-RENDU

Françoise Legris
Vétérinaire d’arène(s)

Blonde, calme, rigoureuse dans ses réponses et ses argumentations…Françoise Legris démontre par son parcours que les femmes ont leur place partout, même dans un monde que l’imagerie populaire aurait volontiers tendance à imaginer uniquement masculin.
C’est cette histoire de vie et de profession un peu exceptionnelle qu’elle est venue présenter samedi 16 décembre, au dernier Café-toro de 2023.
Cavalière depuis l’âge de 4 ans, attirée par l’Espagne, cette aficionada intègre la prestigieuse Ecole vétérinaire nationale de Toulouse, avant de partir pour son premier poste dans la Drôme. Comme elle le dit avec humour, du coq à la vache et de l’animal de compagnie aux chevaux, elle est confrontée à la réalité du métier. Ce métier qu’elle va exercer ensuite à Lunel durant 10 ans, et qui lui permettra de découvrir la Camargue. Depuis 23 ans elle s’est installée à Mauguio, et n’a cessé de s’occuper des animaux au sein des ganaderias ou des manades. C’est ainsi qu’elle a fini par s’occuper des arènes de Nîmes, ainsi que celles de Béziers. On sent chez Françoise Legris une véritable aficion au toro, appuyée sur un noble sentiment de responsabilité de son rôle. Personnages de l’ombre, les vétérinaires taurins ne sont pas toujours mis en lumière, ce qui par les temps d’hystérie et d’extrémisme qui courent la préserve un peu.


Toutefois, avoir la chance de mieux comprendre le rôle du vétérinaire d’arène est intéressant pour un aficionado, et Françoise Legris ne rechigne jamais à donner des conférences sur ce sujet, tant en Espagne qu’en France.

Un rôle indispensable.
Déjà, on apprend que l’association des vétérinaires taurins français (entre 40 et 50 membres) a du faire face à des attaques très vives de la part de l’Ordre national des vétérinaires, devant lequel les vétérinaires taurins ont du expliquer leur démarche de «défense du toro de corrida de la naissance à la mort».
Le rôle du vétérinaire d’arène commence par une partie très administrative : vérification des papiers accompagnant chaque toro, de sa zone d’élevage, des normes régissant celles-ci d’un côté ou de l’autre des Pyrénées…long, mais nécessaire. On est dans la semaine précédant la ou les courses.


Le véto est alors à disposition en cas de blessure ou de conseils pour donner aux animaux le maximum de confort. Même disponibilité au moment du sorteo où sa présence est indispensable.
Vient ensuite soit le certificat attestant de la mort du toro et de la certification des règles d’hygiène qui permettront à la dépouille d’intégrer la chaîne alimentaire via l’abattoir ; soit le moment de soigner un animal qui aura été indulté. Dans ce cas plus inhabituel, il faudra encore en passer par l’administratif pour pouvoir renvoyer le toro vers son campo.

Défense des valeurs taurines

Les participants au Café-toro du 16 décembre ont appris avec envie que les villes taurines -plutôt du sud-ouest- et celles adhérant totalement à l’UVTF (Union des villes taurines de France) procèdent à chaque corrida à la ponction, par un vétérinaire taurin, de quatre cornes sur deux toros de chaque course tirés au sort. Une démarche identique à celle du contrôle anti-dopage dans le domaine du sport. Encore faut-il que l’empresa et la ville acceptent la démarche, ce qui n’est pas le cas de la ville de Nîmes, qui depuis quelques années est revenue dans l’UVTF. Françoise Legris explique que plus un contrôle est pratiqué avec régularité et sans favoritisme, plus il est bien accepté et permet même de faire avancer les choses.
D’après elle, les cornes aujourd’hui sont moins afeitées qu’au cours des décennies précédentes. Grâce à l’utilisation des fundas, mais également grâce aux contrôles systématiques qui mettent chaque éleveur sur un pied d’égalité.
«Les vétérinaires espagnols nous envient la façon de pratiquer. Eux dépendent d’un ministère spécifique, et doivent répondre à des critères parfois fumeux. Nous, nous ne sommes pas enfermés dans un carcan officiel, ce qui nous permet de toujours équilibrer au mieux le respect du toro, celui de l’éleveur, mais aussi celui du spectateur. Si comme à Madrid, sur 12 toros d’une encaste, on ne vous en présente plus que 3, c’est l’aficionado consommateur qui est spolié. Il faut donc équilibrer éthique et responsabilité, et c’est
ce que nous faisons de notre mieux».
Et si à Nîmes ou Béziers, depuis votre place vous cherchez à repérer la tête blonde de Françoise dans la contre piste, c’est peine perdue. Elle passe toutes les corridas le plus près possible du toril !